Rions un peu mais pas longtemps

Que le rire, cette contraction pudique de nos joues rebondies,
cette expression polie et décalée de nos détresses intimes et d'une lucidité cruelle, soit contagieux comme la scarlatine, cette maladie enfantine qui s'exprime par une excroissance purulente et enflammée de la peau de nos petits êtres si prompts à la rigolade sans raison.

Cette raison glorifiée en corsetage étriqué de nos pensées et qui nous fait conjuguer le verbe être au verbe avoir.

Pas de masque, pas de vaccin.
On peut rire de tout pour déranger tout le monde.
La contagion est irrémédiable, que les somnolents se réveillent, que les tristes se saoulent la gueule et que les mots claquent des dents a cappella dedans leurs trous.

C'est encore une année où toutes les occasions perdues d'agiter nos petits biceps bucaux avec un regard idiot et un air niais ne se retrouveront plus.

Alors profitons, ayons l'œil mouillé, pinçons nos joues avec nos dents, agitons nos ventres de spasmes gastriques en toutes occasions, peu importe de passer pour d'incompétents guignols incapables de prendre la plus affligeante détresse au sérieux, le plus endimanché des croque-morts avec respect.

Toute cette comédie du drame, de la victime opportune et de la radicalité de circonstance, est autant de poisons déguisés en délicieuse saveur de la fraise de Carpentras.

Que l'on nous manipule passe encore pour nos ostéopathes.
Que l'on nous couvre de jus moins épais, passe encore pour nos poulpes.
Mais que l'on canalise nos esprits dans la peur et dans les pleurs, alors là, permettez-moi,
dans un coin,
de sourire un peu.

Jean-Charles Bou-Haniche, Président
Assemblée générale,
le 4 juillet 2019, Marseille